Malgré des années de réglementation et de contrôles en Europe, l’écart salarial entre les femmes et les hommes demeure significatif. Selon le dernier rapport de l’INSEE, les femmes du secteur privé perçoivent en moyenne 23,5 % de moins que leurs homologues masculins. Même à temps plein équivalent, leur rémunération reste inférieure de 14,9 % à celle des hommes (1).
Dans ce contexte, la directive européenne 2023/970, adoptée le 10 mai 2023, vise à renforcer l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, conformément au principe fondamental « à travail égal, salaire égal ». En France, cette directive devra être transposée dans la législation nationale d’ici le 7 juin 2026.
Cet article présente les principales obligations qui en découleront pour les employeurs français et propose des recommandations concrètes pour que la fonction RH puisse anticiper et accompagner cette transformation.
“Cette directive présente finalement de véritables enjeux stratégiques pour les entreprises, au-delà d’une simple mise en conformité légale. Elle implique une transformation en profondeur de la gouvernance salariale, de la structuration des rémunérations et de la culture managériale.” Sandrine Vivet, Global Rem Experts
Les principales obligations de la directive européenne pour les entreprises :
1. La transparence salariale lors du recrutement
Les employeurs seront tenus de fournir des informations claires sur les rémunérations dès le processus de recrutement. Cela inclut :
- L’obligation de préciser, dans l’offre d’emploi ou avant l’entretien, le niveau de rémunération cible ou la fourchette salariale correspondant au poste.
- L’interdiction de demander les antécédents salariaux des candidats.
Recommandation de Global Rem Experts :
Mettre en place des grilles salariales de référence pour assurer une cohérence des offres et former les recruteurs à l’explication de ces niveaux de salaire.
2. L’accès renforcé à l’information pour les salariés en poste
Les entreprises devront garantir l’accès des salariés à des informations précises sur les critères de détermination et de progression des rémunérations.
- Les collaborateurs pourront demander la moyenne des salaires pratiqués pour leur poste dans l’entreprise. L’employeur devra répondre dans un délai de deux mois.
- Une indemnisation sera prévue pour les salariés victimes de discriminations salariales.
Recommandation de Global Rem Experts :
Organiser des points d’information périodiques avec les salariés et leurs représentants pour assurer une bonne appropriation des nouvelles règles.
3. La communication auprès des autorités compétentes
- Entreprises de plus de 250 salariés : elles devront communiquer annuellement l’écart de rémunération entre les sexes à l’autorité nationale compétente.
- Entreprises de 100 à 249 salariés : la communication sera exigée tous les trois ans.
- En cas d’écart inexpliqué supérieur à 5 %, une évaluation des rémunérations devra être menée en collaboration avec les représentants du personnel.
- Entreprises de moins de 100 salariés : elles seront exemptées de cette obligation.
Recommandation de Global Rem Experts :
Développer des outils de suivi automatisés pour assurer la traçabilité des rémunérations et des corrections apportées.
Comment la fonction RH doit-elle anticiper et accompagner cette transformation ?
1. Un diagnostic approfondi semble un incontournable pour :
- Recenser les outils RH existants (cartographie des emplois, fiches de poste, politiques de rémunération, grilles de salaires, etc.).
- Analyser les rémunérations actuelles par emploi, sexe, ancienneté et compétences, afin d’identifier les écarts à combler.
Notre conseil pratique Go Blossom :
Partez d’une extraction DSN ou issue de votre outil de paie comprenant tous les éléments du bulletin de paie et idéalement un historique sur les 3 dernières années, afin de capter les évolutions démographiques de votre organisation et d’élargir votre analyse à d’autres indicateurs (classifications, nombre d’emplois repères versus nombre de postes, répartition H/F par catégories…).
Ce diagnostic approfondi servira de base pour bâtir une stratégie de mise en conformité globale et pourra nourrir d’autres sujets tels que la GEPP par exemple.
2. Des grilles salariales par emploi repère et par niveau de classification comme outil fondamental :
- Chaque emploi repère devrait être encadré par une rémunération fixe minimum qui constitue le point d’entrée salarial dans cet emploi, pour une personne sans expérience.
- De même, une rémunération fixe maximum devrait être déterminée pour indiquer le salaire le plus haut qu’un collaborateur peut prétendre dans cet emploi, s’il est expérimenté.
- Des critères objectifs pour les augmentations et les promotions devraient également définis afin de définir la manière dont les collaborateurs évoluent dans l’organisation.
Notre conseil pratique Go Blossom :
Pour construire des grilles de salaires par emploi, vous pouvez vous inspirer de benchmarks disponibles sur le marché, gratuits ou payants et disponibles sur des plateformes telles que Glassdoor, Indeed… ou encore des études publiées par les branches professionnelles. Ce benchmark doit être ensuite couplé avec une analyse des niveaux de salaires et d’expériences des personnes occupants ces emplois actuellement au sein de l’organisation.
Si aucune cartographie des emplois n’existe dans l’organisation ou si elle est obsolète, il faudra commencer par la créer, ou la mettre à jour, et effectuer un travail de pesée de poste.
3. La transparence des rémunérations, c’est une question de mindset collectif :
La transition vers une transparence des rémunérations exige un accompagnement à plusieurs niveaux :
- Fonction RH : repartir de la base (fiche emploi, pesée de poste, grille de salaire) pour repenser les processus clés (recrutement, pilotage des rémunérations). La formation des équipes RH pour intégrer ces nouvelles obligations et les communiquer efficacement aux managers, collaborateurs et candidats semble être un point essentiel.
Notre conseil pratique Go Blossom:
Organiser des workshops de classification et de pesé de poste avec les managers, organiser des formations sur les bonnes pratiques de recrutement pour plus de transparence ou encore sur la tenue d’un entretien autour de la rémunération (négociation, augmentation individuelle, …)
- Managers : sensibiliser à la transparence salariale, aux différentes formes de rémunération, aux critères objectifs d’attribution des augmentations et promotions pour garantir la cohérence des pratiques.
Notre conseil pratique Go Blossom :
Organiser des sessions de sensibilisation pour présenter les grilles salariales par poste et les règles internes d’augmentations et promotions, mettre à disposition un guide pratique managérial sur la rémunération, impliquer les managers dans des ateliers de travail autour de la pesée de poste et de la politique de rémunération…
- Collaborateurs : assurer une communication pédagogique pour qu’ils comprennent et interprètent correctement les nouvelles informations sur les rémunérations. Mettre à disposition des salariés les informations principales.
Notre conseil pratique Go Blossom :
Planifier des réunions RH pour présenter et expliquer la politique salariale de l’entreprise, mettre à disposition des ressources (fiches pratiques, page Notion… ) pour les salariés…
- Représentants du personnel : impliquer le CSE pour coconstruire la démarche et accompagner le changement.
4. Donner du rythme à votre pratique de transparence des salaires :
Une gouvernance dédiée est nécessaire pour assurer un suivi régulier, notamment une revue (bi)annuelle des rémunérations pour corriger les écarts et maintenir la conformité avec la directive.
Pour certaines organisations, il peut être pertinent d’investir dans un logiciel de gestion des rémunérations permettant un suivi et une alerte automatique des écarts.
Conclusion d’experte Global Rem Experts :
Loin d’être une simple contrainte légale, la transparence des salaires est un levier de différenciation et de performance. Les entreprises qui anticipent ces changements en structurant leurs politiques salariales, en mettant en place une gouvernance adaptée et en favorisant un dialogue social efficace en tireront un avantage concurrentiel durable. La transformation salariale est une opportunité de renforcer la confiance, l’engagement et la cohésion au sein des organisations. Mes recommandations pratiques seraient donc les suivantes :
- Former les managers à communiquer clairement sur les politiques salariales et les critères d’attribution des salaires.
- Définir des grilles salariales par emploi et mettre en place des revues salariales régulières basées sur les compétences.
- Créer un comité de pilotage de la rémunération incluant les RH, la direction et les représentants du personnel.
- Adopter une approche de gouvernance salariale cohérente avec la stratégie de l’entreprise.
- Encourager une communication interne fluide et un dialogue continu sur les rémunérations pour transformer la culture d’entreprise.
En anticipant dès maintenant ces changements, les entreprises pourront non seulement se conformer à la directive, mais également renforcer leur attractivité et leur engagement en faveur de l’égalité salariale.
Article corédigé par Go Blossom et Global Rem Experts
Références
(1) INSEE, Écart de salaire entre femmes et hommes en 2022